vendredi 23 août 2013

Egypte : la sottise pyramidale de nos élites.






Entendons-nous bien : je ne suis en aucun cas un spécialiste des questions égyptiennes, pays où, hélas, je n’ai  jamais eu l’occasion de me rendre. Je n’ai pas plus de qualités divinatoires que l’homme de la rue. Pour autant, un peu de lucidité, de bon sens, et peut-être une pincée d’expérience dans l’observation des choses de la politique m’ont permis, avec quelques autres,  dès les premiers frémissements du « printemps arabe » d’être pour le moins circonspect quant aux perspectives qu’offraient ces évènements. 

On aurait aimé la même prudence de la part de nos gouvernants d’alors, comme de ses opposants et de nos intellectuels français. Or, à quoi a-t-on assisté ? A un concert de louanges de toutes parts, à droite, à gauche et au milieu : on fustigeait le Raïs, hier pourtant grand ami, devenu du jour au lendemain un ignoble tyran. On admirait les révolutionnaires héros blogueux et modernistes. On avait des larmes d’indulgence pour les islamistes forcément modérés. Enfin, l’Egypte débarrassée de son dernier pharaon obscurantiste et militariste allait basculer de l’ombre à la lumière, et l’occident allait la conduire sur un chemin pavé d’élections libres, de déclaration des droits de l’homme de 1789, et de prospérité libérale.

Las, deux ans après, l’enthousiasme a dû laisser place à la dure réalité qui ne se laisse pas oublier bien longtemps.

Des élections libres ? Elles ont donné le pouvoir aux frères musulmans. Les droits de l’homme ? Entre coup d’Etat, répressions sanguinaires, président élu aux arrêts et églises incendiées (et j’en passe) ils ne sont qu’un horizon  inaccessible. Prospérité libérale ? Une des ressources du pays, le tourisme, est à l’agonie.
Aujourd’hui, l’armée est à nouveau au pouvoir, et Moubarak libéré. Mais que s’est-il donc passé ?

Il est courant de se demander si l’islam est compatible avec la démocratie, comme l’a fait récemment Manuel Valls. Cette interrogation légitime en France n’est toutefois pas de mise en Egypte. La question qu’il aurait fallu se poser il y a deux ans était de savoir si la démocratie est compatible avec l’islamisme, ce qui n’est pas exactement pareil. Et si l’islamisme n’allait donc pas entrer dans la gare du pouvoir confortablement installé  dans un wagon de première classe du train démocratique. A cette interrogation la réponse était évidemment oui, même sans connaitre l’Egypte ! Vu d’ici, il est clair que les islamistes (et je pense bien sur aux Frères musulmans) constituent un force organisée et nombreuse, au moins autant et probablement plus que les « laïcs » urbains et occidentalisés.

Et ce qui devait arriver arriva : un président Frère musulman a été élu « démocratiquement ». Or, ce que les islamistes prennent, ils ne le rendent pas. On ne saura jamais ce qui serait advenu si Morsi était resté au pouvoir. Mais je suis pour ma part convaincu que son mandat se serait achevé par un coup d’Etat islamiste destiné à éviter l’élection possible d’un président « laïc ». 

Dès lors, nos chers révolutionnaires (et leurs admirateurs français) étaient pris dans l’étau dont ils ne sortiront plus : renier leur foi démocratique et leurs idéaux libéraux pour protéger l’Egypte de l’islamisme, ou accepter la décision des urnes jusque dans ces conséquences les plus funestes pour la démocratie.

L’armée égyptienne a tranché dans les conditions que l’on sait. 

Cela a-t-il eu pour effet de déciller les yeux de nos élites hexagonales ? Apparemment non. Le Président français n’a de cesse de critiquer le coup d’Etat et d’appeler à un dialogue  aussi irréaliste que dangereux. Sauf erreur de ma part, aucun zélateur du « Printemps arabe » n’a eu jusqu’à présent le courage de reconnaitre, qu’au fond, « c’était pas si mal avec Moubarak ». Au mépris de toute intelligence de la situation, et en s'obstinant dans une sottise dont l'ampleur ferait passer la pyramide de Giseh pour un grain de sable du désert.

Et il est tout de même navrant de constater que le seul dirigeant européen qui tente de se battre contre l’islamisme avec fermeté et bon sens soit…le peu sympathique Vladimir Poutine.

Le même genre de considération peut-être tenu, en les adaptant aux circonstances locales, pour la Tunisie, la Syrie et la Lybie.

Et qui sont les premières victimes ? Les chrétiens, évidemment, lorsqu'il en reste encore. 

Cela fait mal, mais il faut tout de même se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, la France était considérée comme la protectrice des chrétiens dans ces régions du monde. Mais où est donc passée cette vocation ?

5 commentaires:

  1. Je souscris à votre analyse des défaillances occidentales, et de la situation globale. On peut toutefois nuancer quelque peu certains de vos propos.

    "Et ce qui devait arriver arriva : un président Frère musulman a été élu « démocratiquement »."

    Ce n'était pas inéluctable. Il aurait suffit qu'il y ait un homme charismatique chez les laïcs pour que le suffrage populaire le mette au pouvoir, et peut-être, avec une avance confortable. Ou même, que les laïcs ne soient pas aussi divisés : si Amr Moussa ne s'était pas présenté, Hamdeen Sabahi aurait été au deuxième tour, et non pas Ahmed Chafiq, le candidat "moubarakiste" : élection garantie face au Frère Musulman.
    Les résultats officiels donnaient Morsi gagnant avec une très faible avance.
    On est même en droit de douter que les élections l'aient vraiment fait gagner. De très bonnes sources m'ont personnellement affirmé que Chafiq avait en fait gagné.
    Cela dit, les FM ont su gagner haut la main au référendum concernant l'amendement de la constitution en février 2011, et aux élections parlementaires qui ont suivi...Ceci était je pense inéluctable : l'Islam, que cela nous plaise ou non, fait partie de la culture égyptienne, du Nord au Sud, des villages au Caire. Les libéraux multipliaient les propositions les plus folles à la télévision (exemple, un show sur Al-Jazeera, où une activiste affirmait que saluer les gens d'un "salam aleikoum" était nocif car connoté religieusement, et devait disparaître par un genre de rééducation...vous voyez le genre).
    Ceci étant, la majorité du peuple n'est pas FM, ni FM-friendly du tout. Les FM ont toujours eu une très bonne réputation chez certains, et très mauvaise chez les autres, la majorité des gens, soit qu'ils aient lu la propagande du régime Moubarak, soient qu'ils détestent l'"Islam politique", soient qu'ils détestent l'Islam tout court, soit qu'ils aient eu à faire avec des FM qui se comportent en mafiosi dans la vie quotidienne, soit que le comportement d'un FM ait fait scandale...

    Quant à la France "protectrice des chrétiens", j'ai bien peur qu'il s'agisse d'un fantasme d'extrême droite plus que d'une réalité. Mais bon, c'est un autre sujet. En tout cas, cela ne concerne pas l'Egypte.

    Cordialement

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  2. Merci pour ces deux commentaires, l'un bref, l'autre plus développé.

    Bien sur, j'ai forcé un peu le trait : le résultat de l'élection présidentielle, relativement serré, montre que l'accès des islamistes au pouvoir n'était pas aussi inéluctable à court terme. Je suis convaincu que sur le moyen terme, d'une manière ou d'une autre, c'était une fatalité.

    Sur la vocation de la France à protéger les chrétiens en Orient, il ne s'agit pas d'un mythe. Mais d'une réalité diplomatique et militaire multi-séculaire...tout juste peut-on la considérer comme un prétexte à l'interventionnisme français dans la région, mais c'est une autre histoire.

    Cela dit, l'Egypte est en Afrique, et non en Orient...

    Bien cordialement.

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  3. Depuis pas mal de temps la France est passée du statut de protectrice des Chrétiens à celui de lèche-cul des Musulmans.
    A cela s'ajoute la profonde bêtise de ses dirigeants et leur croyance aveugle en la bonté naturelle de l'espèce humaine ainsi qu'en l'universalité bienfaisante de la démocratie.
    Un cocktail particulièrement nocif, en somme.

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  4. Il y a à peu près un an, un parlementaire UMP questionnait le gouvernement à ce sujet. Voici la réponse du Quai d'Orsay à savourer avec un bon cognac:


    "La politique de la France vis-à-vis des chrétiens d’Orient s’inscrit dans notre politique de défense et de promotion des droits de l’Homme à portée universelle. Elle inclut notamment le respect des droits des minorités religieuses et elle prend en compte les liens spécifiques hérités de l’Histoire que nous entretenons avec les communautés chrétiennes d’Orient ainsi que leur rôle crucial en faveur de la francophonie dans cette région du monde. Depuis le déclenchement des printemps arabes, la France est intervenue au niveau des Etats concernés, de l’Union européenne et des Nations unies contre les violences et les discriminations perpétrées à l’encontre des chrétiens, en particulier en Iraq et en Egypte (déclaration présidentielle du conseil de sécurité de l’ONU du 1er novembre 2010, conclusions du Conseil des affaires étrangères européen du 21 février 2011). Le gouvernement entend inciter les chrétiens à prendre toute leur part dans les changements politiques en cours dans le monde arabe, en faveur de laa construction de l’Etat de droit et de l’instauration de la démocratie. Les chrétiens d’Orient veulent être traités comme des citoyens bénéficiant de l’égalité des droits dans des régimes pluralistes respectueux de la liberté de religion et de conviction. Le gouvernement connaît leurs inquiétudes et leurs craintes en cette période cruciale et il demeurera vigilant et attentif quant à leur situation. Le Partenariat de Deauville, adopté avec nos partenaires du G8, a pour but également d’accompagner une évolution démocratique et citoyenne dans les pays arabes et la France y contribue pleinement. Le ministère des Affaires étrangères demeure, par ailleurs, en contact régulier et confiant avec les églises chrétiennes orientales et entend adapter et moderniser son soutien aux écoles francophones confessionnelles du Proche et Moyen-Orient. Il appuie enfin l’Observatoire du pluralisme des cultures et des religions, initiative française interreligieuse lancée cette année pour délivrer une information objective sur la situation de la liberté de croyance dans le monde." - See more at: http://www.christianophobie.fr/communique/protection-des-chretiens-dorient-la-position-du-quai-dorsay#sthash.KPbmrGUG.dpuf

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