samedi 24 août 2013

C'est arrivé près de chez nous.


Il y a vingt ans, sortait sur les grands écrans un OVNI cinématographique qui passa presque inaperçu : "C'est arrivé près de chez vous", de Rémy Belvaux et Benoît Poelvoorde. Je l'ai revu hier, deux décennies après. Et cela m'a inspiré quelques commentaires qui ne se réduisent pas au seul domaine du septième art.

Parlons du film, d'abord, en quelques mots. Ben ( incarné magistralement par Benoît Poelvoorde, dont c'est le premier long métrage) est un malfrat de quartier, du genre sanguinaire, amoral et cruel. Il est suivi par une équipe de reportage TV ( technique qui n'est pas sans rappeler "Citizen Cane"  d'Orson Welles, toutes proportions gardées ) qui filme ses forfaits avec une froideur qui n'a rien à envier à son sujet...Cette absence totale de distance entre le criminel et ceux qui décrivent froidement son existence, comme si toutes les atrocités commises par Ben consistaient en des actes professionnels banals filmés en direct, sans possibilité de "couper", ni d'émettre la moindre réserve, provoquait en 1992 un effet très choquant. Dans la salle, peu remplie à l'origine, iĺ est vrai, seuls ma femme, moi et deux autres résistants ont assisté à la fin du film ! On pouvait penser que cette désaffection résultait simplement de l'utilisation excessive d'un humour noir particulièrement dévastateur, ce que j'ai cru à l'époque. Erreur. C'est bien la manière dont la pseudo-équipe de télévision rapporte les faits qui créait le malaise.

En effet, en revoyant ce film, j'ai autant ri qu'il y a vingt ans, mais je n'ai pas été choqué dans la même mesure. La raison en est simple : depuis 1992, nous nous sommes habitués à voir sans aucun filtre sur nos écrans une réalité tout aussi médiocre, cruelle, et bassement humaine que celle de Ben. Ce qui était tabou pour les adultes alors est devenu banal même pour les enfants aujourd'hui. Quelques années de voyeurisme, de reality show, de loft, de ça se discute, d'info 24 sur 24, ont produit leur résultat : nous voilà sans réactions particulières devant la médiatisation de l'abject. C'est le vice sans rectangle blanc dans nos salons tous les jours à 19h00. 

Si on nous l'avait dit en 1992, nous n'y aurions pas cru.

Et pourtant, c'est arrivé près de chez nous.




vendredi 23 août 2013

Egypte : la sottise pyramidale de nos élites.






Entendons-nous bien : je ne suis en aucun cas un spécialiste des questions égyptiennes, pays où, hélas, je n’ai  jamais eu l’occasion de me rendre. Je n’ai pas plus de qualités divinatoires que l’homme de la rue. Pour autant, un peu de lucidité, de bon sens, et peut-être une pincée d’expérience dans l’observation des choses de la politique m’ont permis, avec quelques autres,  dès les premiers frémissements du « printemps arabe » d’être pour le moins circonspect quant aux perspectives qu’offraient ces évènements. 

On aurait aimé la même prudence de la part de nos gouvernants d’alors, comme de ses opposants et de nos intellectuels français. Or, à quoi a-t-on assisté ? A un concert de louanges de toutes parts, à droite, à gauche et au milieu : on fustigeait le Raïs, hier pourtant grand ami, devenu du jour au lendemain un ignoble tyran. On admirait les révolutionnaires héros blogueux et modernistes. On avait des larmes d’indulgence pour les islamistes forcément modérés. Enfin, l’Egypte débarrassée de son dernier pharaon obscurantiste et militariste allait basculer de l’ombre à la lumière, et l’occident allait la conduire sur un chemin pavé d’élections libres, de déclaration des droits de l’homme de 1789, et de prospérité libérale.

Las, deux ans après, l’enthousiasme a dû laisser place à la dure réalité qui ne se laisse pas oublier bien longtemps.

Des élections libres ? Elles ont donné le pouvoir aux frères musulmans. Les droits de l’homme ? Entre coup d’Etat, répressions sanguinaires, président élu aux arrêts et églises incendiées (et j’en passe) ils ne sont qu’un horizon  inaccessible. Prospérité libérale ? Une des ressources du pays, le tourisme, est à l’agonie.
Aujourd’hui, l’armée est à nouveau au pouvoir, et Moubarak libéré. Mais que s’est-il donc passé ?

Il est courant de se demander si l’islam est compatible avec la démocratie, comme l’a fait récemment Manuel Valls. Cette interrogation légitime en France n’est toutefois pas de mise en Egypte. La question qu’il aurait fallu se poser il y a deux ans était de savoir si la démocratie est compatible avec l’islamisme, ce qui n’est pas exactement pareil. Et si l’islamisme n’allait donc pas entrer dans la gare du pouvoir confortablement installé  dans un wagon de première classe du train démocratique. A cette interrogation la réponse était évidemment oui, même sans connaitre l’Egypte ! Vu d’ici, il est clair que les islamistes (et je pense bien sur aux Frères musulmans) constituent un force organisée et nombreuse, au moins autant et probablement plus que les « laïcs » urbains et occidentalisés.

Et ce qui devait arriver arriva : un président Frère musulman a été élu « démocratiquement ». Or, ce que les islamistes prennent, ils ne le rendent pas. On ne saura jamais ce qui serait advenu si Morsi était resté au pouvoir. Mais je suis pour ma part convaincu que son mandat se serait achevé par un coup d’Etat islamiste destiné à éviter l’élection possible d’un président « laïc ». 

Dès lors, nos chers révolutionnaires (et leurs admirateurs français) étaient pris dans l’étau dont ils ne sortiront plus : renier leur foi démocratique et leurs idéaux libéraux pour protéger l’Egypte de l’islamisme, ou accepter la décision des urnes jusque dans ces conséquences les plus funestes pour la démocratie.

L’armée égyptienne a tranché dans les conditions que l’on sait. 

Cela a-t-il eu pour effet de déciller les yeux de nos élites hexagonales ? Apparemment non. Le Président français n’a de cesse de critiquer le coup d’Etat et d’appeler à un dialogue  aussi irréaliste que dangereux. Sauf erreur de ma part, aucun zélateur du « Printemps arabe » n’a eu jusqu’à présent le courage de reconnaitre, qu’au fond, « c’était pas si mal avec Moubarak ». Au mépris de toute intelligence de la situation, et en s'obstinant dans une sottise dont l'ampleur ferait passer la pyramide de Giseh pour un grain de sable du désert.

Et il est tout de même navrant de constater que le seul dirigeant européen qui tente de se battre contre l’islamisme avec fermeté et bon sens soit…le peu sympathique Vladimir Poutine.

Le même genre de considération peut-être tenu, en les adaptant aux circonstances locales, pour la Tunisie, la Syrie et la Lybie.

Et qui sont les premières victimes ? Les chrétiens, évidemment, lorsqu'il en reste encore. 

Cela fait mal, mais il faut tout de même se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, la France était considérée comme la protectrice des chrétiens dans ces régions du monde. Mais où est donc passée cette vocation ?