mercredi 16 août 2017

Week-end à Dunkerque (1/3)





Laissons notre nouveau président de la République jouer sa comédie estivale, et intéressons-nous un peu au cinéma. 

Il a  été beaucoup écrit sur le film de Christopher Nolan « Dunkerque », et par des gens forts compétents. Mon propos n’est donc pas de faire une critique cinématographique de plus, mais plutôt d’en examiner certaines , d’identifier "de quoi elles sont le nom".

À cet égard, il est fait des reproches formels au réalisateur : manque de dialogues, personnages peu esquissés, peu attachants,  accent mis sur l’action, la violence, manque de hauteur de vue, cynisme, absence d’émotion.

Pourtant ce serait bien à tort que le spectateur s’en tiendrait  à la perception d’un film d’action, froid, brutal, et au ras des pâquerettes.

Certes, Dunkerque est en apparence construit  volontairement à la manière d’un implacable thriller comme une multitude de films "pop-corn" actuels. Mais sa structure rigoureuse à l’extrême d'un point de vue formel (manière d'organiser le temps ; les éléments terre,  air, mer et même feu ; bande-son très travaillée) en fait un exemple d'école de cinéma. L'essentiel est que tout cela n’est qu’un moyen pour déboucher sur une émotion patriotique britannique sobre, sincère et émouvante. Pour citer le réalisateur : "Dunkerque est un appel à l’héroïsme collectif". On ne peut mieux dire.

Un exemple : au moment où l’officier de marine anglais en charge de l’évacuation se désespère de trouver les moyens de faire embarquer des troupes vouées à la mort ou à la captivité, il voit dans ses jumelles  se dessiner une immense flottille de petits navires civils venus à la rescousse. On l’interroge, mais de quoi s’agit-il ? « Home, la patrie », répond-t-il, les yeux rougis par le soulagement et l'admiration.

Un autre exemple : la scène finale de l’élégant Spitfire qui,  à cours de carburant,  plane sur la plage de Dunkerque et s’y pose majestueusement. Le pilote y met le feu pour éviter qu’il ne tombe aux mains de l’ennemi.  Il faut peu d’imagination pour  y discerner une poignante vision d’une Europe libre en flamme mais qui persiste dans son refus de sombrer.

Il y a donc du contre-sens dans ces reproches formels et sans doute reposent-ils  sur une incapacité à voir au-delà de ce qu’il y a à voir. Il est à craindre que cela soit le cas d’une grande partie du public, et c’est assurément le cas d’une partie de la critique (or, au passage, n’est-ce pas précisément ce que l’on attendrait de cette dernière ?). 

La question se trouve donc posée de déterminer les raisons de cette incapacité. 

Pour commencer à répondre, on peut  parier sur l’insensibilité et  l’inculture littéraires qui sont savamment entretenus dans notre pays depuis longtemps. Mais nous ne parlerons pas d’avantage de ces deux points qui exigeraient des développements longs et hors de notre sujet.

Une  raison plus directe et plus immédiate réside en ce que l’on nous serine en France  que l’amour de son pays est une attitude quasi-fasciste. Un français d’aujourd’hui ne peut donc avoir que la plus grande difficulté à comprendre un film où au nom du patriotisme, des civils britanniques, au péril de leur vie, viennent sauver ce qui reste de leur armée menacée instamment de destruction par…une armée fasciste !...

Il est par conséquent illusoire d’attendre du public et de la critique de notre pays qu’ils puissent résoudre une telle contradiction, et qu’ils vibrent aux accents britanniques de ce film alors qu’ils ne sont  pas eux-mêmes susceptibles de ressentir le moindre élan français. Au mieux y verront-t-ils un bon suspense, mais plus vraisemblablement un blockbuster de super-héros, de type « Captain  Albion  contre les méchants nazis".

C’est triste, mais c’est ainsi. Et ce n’est pas tout. Car il y a également des reproches de fond qui sont faits au film de Christopher Nolan, que nous évaluerons dans le prochain épisode cette publication.

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